La designer derrière Les Enfants Sauvages parle de créativité et de l’importance des couleurs

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Lookbook printemps/été 2015

Une chose que j’adore dans mon travail : j’ai la chance de rencontrer des gens inspirants qui me poussent à me questionner et à approfondir mes connaissances. Avec eux, j’ai des conversations qui ne s’oublient pas de sitôt.

C’est exactement ce qui s’est produit avec Marie-Christine Quenneville, fondatrice et designer de la marque mode Les Enfants Sauvages, que j’ai rencontrée il y a quelques semaines dans son atelier.

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D’où vient le nom Les Enfants Sauvages?

Après des études en couture et en dessin de patron, que je trouvais trop contraignantes, j’ai décidé de poursuivre en anthropologie. L’envie de lancer ma propre ligne est venue par la suite. L’idée de faire à ma tête et d’exploiter ma liberté et mon individualité – Les Enfants Sauvages représentent un peu ça en fait.

Sinon, précisément, le nom vient d’un livre qu’on étudie en psychologie comportementale. Les enfants sauvages sont des gens abandonnés dans la nature et élevés par des animaux. Quand on étudie ces gens, on constate que, si l’être humain n’a pas appris à parler jusqu’à un certain âge, il n’a plus moyen de lui apprendre. C’est une théorie intéressante à propos de l’inné et de l’acquis.

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Les tissus africains reviennent régulièrement dans tes collections. Pourquoi t’inspirent-ils autant?

Au tout début, tout le monde faisait des basiques à Montréal et j’avais envie de faire des trucs qui sortaient de l’ordinaire. Ça ne veut pas dire de constamment porter un turban et des fleurs, mais des fois, intégrer un peu d’extravagance dans sa vie fait du bien. Ces motifs créent aussi un équilibre avec mes designs sobres et symétriques.

De plus, ces tissus africains ne sont pas seulement très beaux, ils ont aussi des significations particulières dans leur culture respective. Par exemple, ces deux motifs rouges sont appelés « œil de Marival ». Quand tu le portes, ça veut dire « Watch out girl! » et tout le monde le sait. C’est s’exprimer sans avoir besoin de mots. Je trouve ça fascinant. Au-delà d’être simplement jolis, ils sont aussi riches spirituellement.

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Penses-tu utiliser des tissus provenant d’autres cultures un jour?

Je me suis un peu enfargée dans les tissus africains et, depuis, cet esthétisme émane de mon travail. Pourtant, j’utilise aussi beaucoup de matières japonaises et indiennes! Tout ça est une exploration organique. Je n’ai pas envie d’être seulement associée au textile africain.

D’où viennent les tissus?

J’ai mes fournisseuses dans Parc Ex (quartier multiculturel de Montréal). Pour les trouver, j’ai visité des magasins de faux cheveux et j’ai posé des questions. Maintenant, ces femmes me connaissent et me gardent des tissus! Dans la culture africaine, les beaux vêtements sont extrêmement importants pour les mariages et à l’église, d’où l’importance du textile.

Une autre fois, je suis allée à Toronto dans le quartier indien et j’ai fait toute une collection à partir de saris.

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Qu’est-ce que tu penses de l’appropriation culturelle?

C’est délicat. J’ai dû construire ma réflexion, surtout quand je suis allée en Afrique et aux États-Unis (elle s’y est rendue dans le cadre de forums entrepreneuriaux et de recherche), où la communauté afro-américaine est évidemment très importante.

Le truc est que ces tissus n’appartiennent ni à un pays ni à une culture en particulier. Au commencement, les Hollandais ont colonisé l’Indonésie et ont importé le processus de batik, une technique d’impression textile. Leurs premières usines ont été fondées en Afrique du Sud dans le but de fournir le marché européen. L’Afrique de l’Ouest se l’est ensuite approprié. Ces imprimés ont beaucoup voyagé, je me vois comme un pion dans leur évolution.

C’est un emprunt, je ne tire pas profit d’une espèce d’image exotique. Le monde au complet est une source d’inspiration.

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Être inspirée par des souvenirs de voyage.

À quoi ressemble ton processus créatif?

C’est un gros casse-tête. Je joue d’abord avec les matières. Il y a souvent un motif principal auquel se greffent d’autres imprimés et je clos la boucle avec des tons unis. Je traîne aussi toujours mon cahier de croquis, je déplace des trucs et j’essaie différentes combinaisons.

Côté inspiration, tout m’influence : la vie, les voyages, le monde, l’art contemporain… Je suis attirée par les choses expérimentales. C’est ce que je suis. C’est mon milieu.

Est-ce que tes vêtements sont produits à Montréal?

Oui! Les patrons et les échantillons sont développés dans mon atelier et la production est faite sur la rue Chabanel, par de petites madames cambodgiennes très habiles.

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Lorsque tu crées, qui est ta muse?

Ces jours-ci, c’est un mélange de mon amie qui ressemble à Charlotte Gainsbourg, mais plus punk, et d’une designer new-yorkaise que j’adore, Maryam Nassir Zadeh. Elle s’inspire de l’Iran prérévolutionnaire, c’est super funky, un peu années 60 et 70. Elle est une grande influence pour moi.

Quel est le moment de la journée où tu es la plus créative?

Le matin et le soir. Durant la journée, je m’étourdis avec les détails, la paperasse et les meetings.

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Comment décrirais-tu ta relation avec la couleur?

Tout a commencé quand j’ai découvert que le blanc et le noir ne m’allaient pas. Alors que, quand je porte des couleurs, je me sens vraiment bien! Je crois que les bonnes nuances stratégiquement agencées affectent grandement notre façon d’être. Quand je porte des bas qui matchent, je passe une bonne journée!

De quoi as-tu besoin quand tu crées?

Des bas qui matchent! (Rires) Sérieusement, de la musique. J’écoute beaucoup de Organ Mood, Nouveau Zodiac, Sara Dion, Mary Davidson et Le fruit vert. J’aime la longue musique complexe pleine de textures.

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Un scrunchie de la marque.

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Photos par Naomie Tremblay (sauf pour la première).

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